Utilisation des crayons aquarellables : Guide pour débuter

Les crayons aquarellables intriguent et attirent les artistes : Tel un hybride entre le crayon de couleur et l’aquarelle traditionnelle, il nous promet le meilleur des deux mondes. Cet article est un guide complet de leur utilisation et de leurs techniques.

En quoi les crayons aquarelles sont-ils utiles ?

Tout d’abord, ils constituent un médium à part entière, au même titre que les crayons de couleurs. Il n’est pas rare que les artistes diluent leurs crayons de couleurs avec de l’essence sans odeur pour que leurs premières couches soient bien lisses. Avec les crayons aquarellables, on le fait à l’eau. La courge ci-dessus est un exemple de réalisation faite de cette manière.

Certains artistes les trouvent plus faciles à transporter que l’aquarelle traditionnelle. Je dois vous avouer que je n’ai jamais adhéré à ce point de vue. Pour moi, il est bien plus facile de peindre à l’aquarelle en extérieur plutôt qu’aux crayons aquarellables : Entre une palette de godets et une trousse de crayons (qui vont se retrouver partout sauf dans ma trousse en quelques minutes) ; mon choix est vite fait.

Donc pour moi, ce n’est pas dans leur transport que ces outils sont intéressants. Sauf bien sûr s’il s’agit de réaliser un croquis aquarellé monochromatique. Dans ce cas, ok, un crayon seul est plus facile à transporter qu’une palette de godets.

Quoi qu’il en soit, à mon sens leur utilité réside plutôt dans la double possibilité d’avoir des traits de crayons secs, et une dilution transparente et fondue.

Cela en fait des outils intéressants pour dessiner une esquisse avant de peindre à l’aquarelle par exemple, comme je l’ai fait pour la souris ci-dessous. J’en ai d’ailleurs profité pour tracer les vibrisses au crayon.

Je trouve qu’il est infiniment plus facile de tracer des lignes fines et droites au crayon plutôt qu’au pinceau. C’est logique, car le tracé du pinceau est sensible à la pression alors que celui du crayon l’est beaucoup moins. Une mine est dure, le tracé peut être rectiligne plus naturellement. Ce qui les rend parfaits pour le croquis urbain, par exemple.

Mais on peut aussi souligner le fait qu’il est également nettement plus facile de dessiner de petits détails avec un crayon bien taillé plutôt qu’avec un pinceau. Dans les faits, si j’opte pour un rendu aquarelle, je suis souvent dérangée par la différence visible entre le crayon laissé sec (pour profiter de son tracé fin) et le crayon dilué ou l’aquarelle. Mais, on peut aussi voir cette différence comme un effet de style très appréciable, alors tout dépend des goûts.

Les techniques des crayons aquarellables

Principe de base de l’application des crayons

La technique principale est la suivante :

• Colorez la zone de votre choix au crayon aquarellable sur papier sec.
• Passez un pinceau humide sur la zone que vous avez coloré.

Les pigments déposés sont alors activés par l’eau que contient le pinceau. Ils fondent, les traits de crayons disparaissent, remplacés par une zone de couleur lisse.

Bon à savoir : Plus vous insistez avec votre crayon, plus vous déposez de pigments et donc, plus votre couleur sera intense. Mais aussi : Plus vous mettez d’eau, plus la couleur obtenue sera transparente.

Remarque : Cette couleur peut se modifier, parfois grandement, en séchant. Il est fréquent d’observer des variations d’intensité considérable entre la couleur avant dilution et la couleur une fois diluée et séchée (elle pâlit).

Autres techniques d’application des crayons aquarellables

Le pinceau sur la mine

Passez le pinceau humide directement sur la mine du crayon pour prélever la couleur. Puis, appliquez le pinceau chargé de pigments sur le papier. Cela rappelle beaucoup le fait de frotter son pinceau sur un godet d’aquarelle.

Cette technique permet de s’assurer qu’aucun trait de crayon ne soit visible, mais cela peut aussi être intéressant si l’on souhaite avoir un rendu plus transparent.

La palette en papier

Cette technique consiste à colorer un papier de brouillon avec son crayon-pastel afin de venir chercher les pigments avec son pinceau humide pour pouvoir les appliquer sur sa création. Cela revient au même que de passer le pinceau sur la mine du crayon, sauf que l’on peut récupérer plus de pigments d’un seul coup, et que l’on peut aussi mélanger plusieurs couleurs ensemble.

L’application sur papier humide / La mine trempée dans l’eau

De mon expérience, appliquer du crayon aquarellable sur papier humide fonctionne rarement très bien. La mine fond au contact de l’eau du papier, laissant une marque très intense sur le papier, qui sera difficile à étaler et à atténuer. Le rendu est souvent beaucoup plus opaque que ce que l’on attend de cet outil, et aura du mal à s’inclure naturellement dans une création. Cela peut être le but recherché, dans ce cas n’hésitez pas à expérimenter.

Pour certains détails cela peut s’avérer intéressant car le tracé obtenu est plus concentré et plus lisse (uniquement si le trait est fin, sinon le rendu est granuleux comme ci-dessous).

Il est souvent déconseillé de tremper son crayon dans son gobelet d’eau pour appliquer la mine mouillée sur le papier. La raison est que l’eau fait fondre la mine, qui viendra s’écraser tel un vieux yaourt sur votre papier. Mais bon, certains le font quand-même donc si ça vous tente, essayez toujours !

Comment mélanger ses couleurs au crayon aquarellables ?

Mélanger les couleurs intimement :

• Appliquez la première couleur sur papier sec.
• Appliquez la deuxième couleur par-dessus la première.
• Passez un pinceau humide sur cette double-couche et travaillez les pigments de façon à ce qu’ils ne forment plus qu’une seule couleur, issue du mélange entre les deux couches.

Méthode du glacis :

Cette méthode a un rendu différent de la première, on distinguera mieux les deux couleurs qui ont été utilisées.

• Appliquez la première couleur sur papier sec.
• Diluez cette couleur.
• Laissez sécher.
• Appliquez la deuxième couleur par-dessus la première.
• Diluez cette couleur.

Comment dégrader aux crayons aquarelle ?

Le dégradé à une seule couleur

Pour cette technique, vous allez utiliser le blanc du papier pour créer un dégradé en douceur. Une erreur commune consiste à humidifier en partant de la zone foncée vers la zone claire. On se dit que le pinceau va peu à peu se décharger de ses pigments et ainsi créer un dégradé, mais dans la plupart des cas on obtient un aplat quasiment homogène. Faites l’inverse, c’est bien plus efficace !

• Appliquez le crayon en créant un dégradé à sec. Il est nécesssaire pour cela de réaliser plus de passages sur la partie foncée, et de moins en moins à mesure que l’on s’éloigne.
• Au pinceau humide, commencez par mouiller l’extérieur de la bande du côté le plus clair. Faites serpenter le pinceau de haut en bas (pour travailler les pigments) et de la zone claire vers la zone foncée.

Le dégradé à deux couleurs

Ici l’objectif est d’obtenir une transition en douceur entre deux couleurs. Le point essentiel à comprendre, c’est que la couleur la plus puissante va toujours prendre le dessus sur l’autre. Il est donc important de pousser les pigments de la couleur la moins puissante dans la direction de la couleur la plus intense, et non pas l’inverse.

• Posez vos deux couleurs côte à côte, en le faisant se chevaucher légèrement sur la transition.
• Passez votre pinceau sur la couleur la plus claire pour la diluer.
• Allez de la couleur la plus claire vers la couleur la plus foncée, ou de la couleur la moins intense vers la couleur la plus intense.

Le gratté

Cette technique crée de magnifiques effets de texture que vous pouvez utiliser pour agrémenter vos oeuvres. Ils sont superbes sur de la pierre, un vieux mur, du sable, le coeur d’une fleur…

• Dissolvez votre première couche de crayon.
• Grattez la mine d’un autre crayon au cutter. Ou bien, vous pouvez tailler vos crayons au-dessus d’un récipent et ainsi réutiliser les pigments isolés.
• Saupoudrez la zone dissoute tant qu’elle est mouillée.
• Laissez sécher, puis souffler pour retirer les éventuels petits morceaux de bois de crayon.

Conseils pour de beaux effets de crayons aquarellables

Pour un rendu bien lisse, n’appuyez pas trop sur le crayon. Si vous voulez déposer beaucoup de pigments, il vaut mieux crayonner plus longuement, en faisant de petits cercles ou en épousant les courbes du sujet, plutôt que d’augmenter trop fortement la pression. Ainsi, vous éviterez de presser trop profondément les pigments dans le papier, ce qui les rendrait plus difficile à dissoudre : Vous auriez un résultat hétérogène, avec certains traits restant visibles.

Il y a des crayons aquarellables blancs. Mais, ils sont rarement très opaques. De manière générale je vous conseille plutôt de réserver vos blancs et utiliser celui du papier plutôt que celui des crayons. L’effet sera bien plus lumineux.

Si vous aimez les rendus réalistes, je vous recommande grandement de faire un nuancier de vos crayons aquarellables. Entre la couleur que l’on voit sur le bois du crayon, la couleur qu’il applique sur le papier, et la couleur obtenue une fois diluée… Ce sont trois couleurs qui peuvent beaucoup différer ! Un nuancier est extrêmement utile à garder sous la main.

Quels crayons aquarellables choisir ?

J’ai testé différentes marques de crayons aquarellables. Pour chacune, j’ai eu un coffret d’un minimum de 36 crayons. J’ai ainsi pu me faire une bonne idée de leurs qualités, aussi bien en termes de texture que d’intensité et de beauté des couleurs.

Les marques que j’ai testées sont :

• Goldfaber Aqua (anciennement Art Grip) (Faber Castell)
• Karat aquarell (Staedtler)
• Inktense (Derwent)
• Albrecht Dürer (Faber Castell)

J’ai également testé quelques Museum (Caran d’Ache) mais n’ayant qu’un coffret de 12 couleurs, il m’est difficile de les juger correctement. Ce que je peux vous dire, c’est que sur ces couleurs leur texture est excellente, et que les superpositions sur les couches diluées et séchées m’ont fait l’effet d’être nettement plus faciles, comme s’ils laissaient plus de pigments que les autres. Leur prix me semble cependant exagéré, pour ne pas dire délirant (comme tous les produits de cette marque 😅).

Ma recommandation pour le rapport qualité/prix est la gamme Albrechr Dürer de Faber Castell. Le coffret de 36 n’est pas optimal selon mes goûts, notamment pour les verts que je trouve artificiels, et pour les rouges qui sont très nombreux au détriment des couleurs terres.

Malgré tout, ces crayons offrent une belle intensité de couleurs. Ils se diluent bien et fondent entièrement ; Il faut noter que certains crayons ont tendance à laisser des marques que l’on ne peut faire disparaître, ce n’est pas le cas de ceux-là.

Les Inktense nécessitent moins de pression pour une intensité équivalente, mais ils sont plus chers. En outre, je trouve qu’ils manquent de couleurs claires et qu’il est difficile d’obtenir des zones transparentes. Notez aussi qu’ils ne se réactivent pas à l’eau une fois qu’ils ont été dilués, et que la marque a beau le marketer comme un avantage, pour moi cela reste un inconvénient.

Notez que certains artistes considèrent que les Inktense ne font pas partie des crayons aquarellables du fait de ce séchage « définitif ». Si vous voulez, mais c’est leur seule différence. Et encore, certains crayons aquarellables ont du mal à se réactiver à l’eau aussi.

Enfin, vérifiez la résistance à la lumière des crayons que vous choisissez, surtout si vous prévoyez d’encadrer vos créations. Beaucoup de crayons (particulièrement dans les entrées de gamme, mais on en trouve aussi dans les marques premium) ne résisteront que quelques mois avant de s’affadir. Certaines couleurs peuvent totalement disparaître !

Quel pinceau pour les crayons aquarelles ?

Pour pouvoir dissoudre les pigments facilement, je vous recommande d’opter pour un pinceau avec des fibres nerveuses (voire même un pinceau pour gouache). Ainsi, vous aurez un meilleur contrôle sur le degré d’humidité que vous souhaitez, et donc sur l’intensité que vous visez.

Les pinceaux doux fonctionnent aussi. Mais ils peuvent rendre difficile la dilution des pigments, car ils ont du mal à soulever ceux-ci du papier pour bien les mélanger à l’eau. Ce point est particulièrement vrai pour les créations sur papier à grain.

Je trouve qu’un pinceau à réservoir d’eau est excellent pour les crayons aquarellables, ses fibres sont nerveuses et toujours humides, cela le rend parfaitement adapté à cette technique. Si en plus vous souhaitez les utiliser pour du croquis en extérieur, c’est encore plus pratique.

Quel papier pour les crayons aquarellables ?

Le papier choisi devrait tolérer non seulement d’être mouillé, mais en plus d’être frotté par un pinceau lorsqu’il l’est. Le plus sûr est donc d’opter pour un papier pour aquarelle.

Pour de la pratique simple, avec peu de couches de crayons, je trouve qu’il n’est pas utile de choisir un papier haut de gamme. Le crayon aquarelle nécessite une quantité d’eau moindre par rapport à l’aquarelle classique, aussi le minimal habituel de 300g/m² me paraît dans la plupart des cas disproportionné pour cette technique.

De plus, le papier 100% coton souvent recommandé pour l’aquarelle traditionnelle est moins approprié de mon point de vue, car il est très absorbant. Il vaut mieux opter pour un papier en cellulose qui laisse les pigments plutôt en surface, là où ils seront faciles à atteindre, et donc à travailler.

Cependant, on peut préférer le 100% coton pour ce qui est du papier satiné, qui est très lisse et qui garde les pigments en surface justement. On a alors un papier extrêmement agréable à travailler, qui est souvent privilégié par les artistes qui font des créations poussées (souvent très réalistes) aux crayons aquarellables.

Côté grain, privilégiez les papiers lisses pour un rendu lisse et homogène, et un papier granuleux pour un rendu texturé avec des pigments plus ou moins bien dilués.

Inspirations Crayons aquarellables

Voici quelques créations pour vous inspirer.

Cet article étant interminable, je n’inclus pas de pas à pas – mais ce sera l’occasion de le faire dans un autre article, plus ciblé sur des sujets concrets à illustrer.

En attendant, à vos crayons aquarellables !