Créer une illustration à l’aquarelle de A à Z

Le monde de l’illustration à l’aquarelle est à la fois très attirant et très intimidant. Créer de A à Z un personnage ou une scène complète que l’on a imaginée est un tout autre univers que celui de l’interprétation de photos : Il s’agit là de voir… sur le papier. Et s’il y a bien une technique qui ne pardonne pas beaucoup les erreurs, c’est la transparente et indomptable aquarelle !

S’entraîner à illustrer pour progresser

J’y ai participé une année, armée d’un petit carnet, de feutres, et bien sûr d’aquarelle.

Je me suis sentie bien pataude, et parfois, je prenais modèle sur mes animaux d’après nature, pour ne pas avoir à compter que sur mes capacités de création pure.

Mais j’ai beaucoup aimé et cela m’a incitée à imaginer plus souvent, notamment pour mes cartes de voeux.

Je trouve qu’il n’y a rien de plus difficile que de devoir positionner un personnage, humain ou animal, dans une posture que l’on ne voit pas directement. Une bonne compréhension du fonctionnement de la perspective est essentielle, mais aussi une certaine connaissance anatomique du sujet que l’on réalise.

Pour m’aider, j’ai aussi pratiqué pendant quelques temps le croquis chronométré sur des modèles humains. C’était très ludique, cela permet de mémoriser certaines proportions et particularités du corps humain, et l’avantage, c’est qu’on peut pratiquer en quelques minutes.

Mes illustrations d’imagination

Depuis quelques années, quand le temps des fêtes approche, je me souviens à quel point j’aime essayer de créer des personnages. Je choisis un sujet, généralement un animal. Je l’étudie un peu avec des photos que je trouve sur internet. Soit je garde une posture qui me convient, soit j’essaie de le mettre dans d’autres positions que celles que je vois. Et puis, si le coeur m’en dit, je l’habille avec des vêtements d’hiver.

Cette année, cette période de préparation des fêtes est différente des autres. Pour la première fois, j’ai une collection à faire, car j’ai créé en début d’année une petite activité de tirages d’art. Jusqu’à présent, mes créations pour ces tirages étaient assez naturalistes, à l’exception de cette vue aquatique que j’ai imaginée et créée en m’aidant de photos de nénuphars vus du dessous.

Mais voilà, chaque année ma petite tradition est de regarder le film « Miss Potter », et sans surprise, l’univers de Beatrix Potter m’influence beaucoup. J’avais fait cette petite carte de voeux à l’aquarelle dans l’esprit de ses peintures :

Alors je ne pouvais pas résister à l’envie de réaliser une collection d’illustrations avec ces codes que j’aime tant :

• Des animaux peu stylisés, proches de leur apparence réelle
• De beaux vêtements avec des couleurs profondes
• Des ambiances anciennes, sans électricité ou avec des appareils très vintages

Et je suis ravie de vous présenter ma première illustration, directement inspirée des petites musaraignes qui ont élu domicile dans ma serre et que j’ai la joie de croiser régulièrement lorsque je travaille au jardin.

Processus pour l’illustration : Les musaraignes au coin du feu

Le personnage principal

J’ai commencé par étudier mon petit animal en regardant des photos. Je savais que je voulais l’installer sur un fauteuil à bascule, et évidemment, je n’allais pas trouver de photo de musaraigne dans cette drôle de position. Mais en faisant quelques tests, j’ai trouvé une façon de la faire qui me semblait cohérente et amusante, avec ses petits pieds relevés. J’ai testé l’ajout d’un petit avec elle, pour voir ce que cela donnait, mais j’ai trouvé le rendu un peu trop serré et donc chargé.

J’ai cherché des modèles de fauteuils, photographiés dans l’angle qui m’intéressait. Je me suis inspirée de ces photos pour créer un joli fauteuil en bois assez sophistiqué.

Les musaraignes ont des yeux si petits, je me suis dit qu’elle aimerait sûrement avoir des lunettes pour lire plus facilement, et une lampe ancienne sur le mur derrière elle. Je l’ai habillée d’un petit haut à col claudine, bleu cobalt comme la veste de Pierre Lapin, et d’une jupe. Je lui ai fait aussi une tasse de thé, posée sur un joli guéridon en bois.

J’avais mon personnage principal.

Personnages secondaires et environnement

Je savais que j’avais aussi envie de suggérer Noël, et le sapin avait toute sa place dans le coin de la pièce. J’ai eu envie de lui donner de la compagnie, alors j’ai ajouté ses deux petits, et je les ai mis sur un tapis pour qu’ils n’aient pas froid. Bien sûr, s’ils regardent vers elle, on sait qu’elle ne lit pas pour elle, mais très certainement pour eux, peut-être un joli conte de Noël. La guirlande et les boules de Noël sur le tapis suggèrent qu’ils font une petite pause pendant la décoration du sapin.

La lampe donnait une ambiance chaude et feutrée, mais la cheminée permettrait d’exacerber cette chaleur et de créer un foyer plus confortable.

L’illustration à l’aquarelle

J’ai utilisé les esquisses de mon carnet de croquis comme modèle, et j’ai crayonné mes différents éléments sur mon papier aquarelle. Une fois satisfaite des croquis, je les ai encrés au liner 0,05mm, et j’ai soigneusement gommé mon graphite.

J’ai ensuite procédé à la peinture en elle-même, commençant par les zones les plus vastes et allant vers les zones de plus en plus petites. Je suis arrivée à ce résultat après une journée complète de travail, des premiers croquis aux derniers coups de pinceaux.

Les ajustements de l’illustration

Mes lavis pour cette illustration étaient très légers. Je préfère toujours garder la transparence de l’aquarelle un maximum, et empiler les glacis selon mes besoins. Là, même si les tonalités étaient plutôt chaudes, je trouvais que l’espace en lui-même (les murs et le sol notamment) donnaient un rendu un peu froid, un peu vide. Je savais qu’il me restait du travail sur les ombres et quelques détails (notamment sur la texture du pelage – voir mon article Réussir le pelage à l’aquarelle), mais le gros du changement allait se situer sur ces zones essentielles.

J’ai commencé par le mur du fond, que j’ai réchauffé légèrement avec un jaune orangé, en partant de la lampe et en le diluant de plus en plus. Ensuite, j’ai retravaillé le sol, en glacis d’ombre naturelle, pour le foncer et le réchauffer. J’ai laissé une nuance orangée près de la cheminée.

J’ai ajouté des plinthes en un mélange très dilué, à base de rose de poterie, pour lier le mur au sol. J’ai retravaillé le sapin, la poutre de la cheminée, les ombres en général. J’ai aussi ajouté des rayures au coussin sur le rocking chair, qui fait un petit rappel du rouge utilisé sur les décorations de Noël et le pull de l’un des petits.

Illustration à l’aquarelle d’imagination

Créer une scène de A à Z est un processus magique. J’en adore chaque étape, et je trouve que c’est une pratique pleine d’enseignements, qui m’aideront aussi dans mes créations plus traditionnelles. Chercher à représenter la lumière est notamment ce qui me passionne, au même titre que la création de personnages qui nécessite de l’observation, de l’interprétation, des recherches et des tests variés.

On doit absolument tout choisir : Quels éléments du décor, où les placer, quelles couleurs pour les vêtements, pour le sol, pour les décos de Noël, combien de personnages, quelles sont leurs émotions… Toutes ces décisions, tous ces questionnements façonnent le rendu final, exercent notre sens esthétique aussi bien que notre capacité à raconter des histoires par le visuel. Et bien sûr, cela encourage la prise de libertés sur des créations d’après photos.

Cette illustration m’a passionnée ! J’ai hâte de faire les suivantes. Si je veux en avoir 6 d’ici le 1er décembre, je dois réussir à en faire une par semaine. Cela me paraît très peu probable au vu de mon emploi du temps, mais je vais faire de mon mieux !